Des postures et un double discours


Elon Musk n’est pas le seul à faire le voyage en Chine, où il s’est rendu du 30 mai au 1er juin. En témoignent les déplacements du patron de JPMorgan, Jamie Dimon, et de celui de Starbucks, Laxman Narasimhan, tous inquiets des conséquences potentielles des tensions entre Pékin et Washington.

La dernière visite du patron de Tesla remontait à trois ans, avant la pandémie de Covid-19. Dans l’intervalle, cependant, l’entrepreneur visionnaire n’est pas seulement devenu l’homme le plus riche des Etats-Unis et du monde. Il a également pris fermement pied en politique, dans un camp républicain tenaillé par le trumpisme.

Et il s’est emparé du réseau social Twitter au nom d’un « absolutisme de la liberté d’expression » assumé qui a permis le retour de voix parmi les plus controversées. Elon Musk se revendique du libertarianisme, une philosophie politique vivace aux Etats-Unis qui voit dans l’Etat la source de tous les maux et un carcan insupportable bridant un individualisme forcément vertueux.

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Ces rappels mettent en évidence le double discours de l’homme d’affaires, à Pékin comme à Shanghaï, dès lors que ses intérêts sont en jeu. Au cours d’une visite digne de celle d’un chef d’Etat, le « camarade Elon », célébré comme tel sur des réseaux sociaux sous bonne garde, s’est gardé de la moindre remarque à l’égard du modèle autoritaire chinois qui fait, par exemple, que Twitter y soit bloqué. Son costume de défenseur intransigeant de grands principes n’était manifestement pas du voyage. La moitié de la production de voitures électriques dont il tire encore l’essentiel sa fortune sort des usines de Shanghaï. Ceci explique cela.

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Cette hypocrisie ne devrait pas être plus acceptable de la part d’un entrepreneur aussi puissant que d’un responsable politique. C’est d’autant plus vrai qu’Elon Musk est devenu également au cours des derniers mois un agent du chaos géopolitique. En octobre 2022, il a ainsi suscité le trouble en proposant, sur Twitter, un « plan de paix » pour l’Ukraine qui avaliserait dans les faits les conquêtes territoriales russes et dont s’est bruyamment félicité le Kremlin.

La désinvolture de l’entrepreneur

A cette occasion, il a perdu une bonne partie du crédit international obtenu avec la mise à disposition aux Ukrainiens de son réseau d’accès à Internet par satellite dans les premiers jours de l’agression russe. Un crédit déjà amoindri par ses interrogations publiques sur la pérennité de ce soutien. A deux reprises, en octobre 2022 et en mai, le patron de Tesla s’est également prononcé en faveur d’un contrôle de Pékin sur l’île rebelle de Taïwan.

Autant certains républicains américains peuvent se retrouver dans la désinvolture de l’entrepreneur vis-à-vis de la souveraineté ukrainienne, autant ses positions sur Taïwan vont diamétralement sur ce point à l’encontre de la ligne politique de son pays.

La visite d’Elon Musk en Chine a eu au moins une vertu, celle de le contraindre au silence pendant toute sa durée sur le réseau social qu’il possède. A peine sorti de son entretien avec le président Emmanuel Macron lors de son passage à Paris, le 16 mai, l’entrepreneur s’était ainsi lancé dans une diatribe aux pires relents visant le milliardaire George Soros, accusé de vouloir détruire « le tissu même de la civilisation ». Vivement critiqué, il s’était drapé dans sa liberté de parole, affirmant être prêt à en payer le prix.

La tournée chinoise montre la réalité de ses postures. Comme la nécessité de garder constamment en tête l’irresponsabilité de ce démiurge autoproclamé.

Le Monde



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